Un chantier d’insertion redonne vie à la Fontaine du Conroy.
C’est le 15 mai 2000 que les participants d’un chantier d’insertion piloté par le CDT (Comité Départemental du Tourisme) du Département de la Moselle avaient entamé dans le cadre de l’opération EDEN (Entretien des Espaces Naturels) une action au service de l’aménagement touristique et de l’environnement pour la commune de Lommerange.
Sous la conduite de Jean-Luc Baudinet, coordinateur de l’opération, ils s’étaient donné pour objectif de tirer de l’oubli une partie de la fontaine du Conroy réduite à l’état de ruine par l’action conjuguée des hommes et du temps. Aujourd’hui, c’est chose faite. Les murs d’une travée de l’ancienne fontaine ont été relevés et chapeautés d’une toiture à deux pans.
La vieille fontaine.
Si l’on se réfère à joseph Muller qui a travaillé sur l’histoire de Lommerange, "en 1834 surgit à Lommerange, un problème crucial, celui de l’alimentation en eau potable". Cette année-là, le maire, Jacques Nicolas adressa au préfet cette missive : "Le 23 novembre 1834, les élus du conseil municipal ont considéré que notre commune, tous les ans, était malheureuse pour se procurer l’eau nécessaire à la consommation des habitants. Nous sommes obligés d’aller au loin pour s’en procurer.
C’est avec bien de la peine qu’ils s’en procurent dans une fontaine qui existe au lieu-dit "à Conroy", où l’on puise l’eau avec de petits vases par de petites ouvertures. La dite fontaine est située dans une partie de la forêt royale. En y établissant un bassin, on ne pourra commettre aucun délit ni nuire à la forêt puisque cet emplacement aboutit dans les prés". L’autorisation de construire le lavoir avec un bassin pour capter l’eau fut accordée.
Les travaux d’aménagement commencèrent le 17 mars 1836. Louis-Philippe était roi de France Après des décennies de gloire et de fiers services au cours desquelles on vint y chercher de l’eau et aussi y faire les lessives du gros linge que l’on y amenait en tombereau ou à l’aide d’une brouette, la construction, au début du XX ème siècle, du lavoir situé en bout de la rue Joffre à Lommerange, sonna le glas de la fontaine du Fond du Conroy, vaincue par l’adduction de l’eau potable dans la commune. Le syndicat des eaux de Fontoy était né et ses conduites commençaient à alimenter particuliers et édifices publics, dont ce nouveau lavoir de la rue Joffre.
La fontaine périclita, même si, au début du vingtième siècle, on la fréquentait encore et même si, quelques décennies plus tard, entre 1930 et 1940, on essaya de relever une partie des ruines en leur octroyant une toiture à un pan. Ruine de l’édifice aidant, des pierres y furent récupérées pour alimenter les constructions qui s’érigeaient alors dans le village.
Vers la redécouverte d’un bâtiment déchu.
En juin 1998, le maire, René André faisait part à Ugo Polidori, chargé de mission à Esfolor, du désir du conseil municipal de ne pas voir le site de la Fontaine du Conroy tomber dans l’oubli. Il se voyait orienté sur le Comité Départemental du Tourisme qui proposait son aide aux communes au travers d’initiatives qui alliaient aménagement touristique et réinsertion de personnes en difficulté sociale par embauche sous contrat emploi solidarité. Ceci, dans le cadre de l’opération EDEN.
Par délibération prise en date du 24 septembre 1998, le conseil municipal sollicitait l’intervention des équipes du CDT et acceptait de prendre à sa charge 50 % des dépenses nécessitées par les travaux. Le chantier débutait en mai 2000.
Les ouvriers CES allaient ainsi consacrer 2144 heures de travail au site de Lommerange en 2000 ; 1925 heures en 2001 et 1715 heures en 2002. Travaillant avec des moyens matériels parfois rudimentaires, surtout au début, moins par la suite, ils ont ainsi défriché et débroussaillé le site, ont remis au jour le bassin du lavoir et la chambre d’eau puis un deuxième bassin, ont trié les pierres, les ont brossées, ont recherché les fondations de la travée à relever, créé un sentier d’accès entre le chemin du monument et le lavoir, installé une passerelle sur le Conroy, aménagé un sol de propreté tout autour de l’édifice.
Fin 2002, les murs avaient été maçonnés jusqu’à une hauteur de 2 m 10 et attendaient de supporter la toiture prévue. Malheureusement, la conjonction d’un certain nombre d’éléments et d’évènements allait entraîner une période de repli de cinq années au cours desquelles la fontaine allait rester en l’état.
Parmi ces évènements l’indisponibilité du tuteur technique de l’époque, Roland Lorscheider, indisponibilité imputable à un accident survenu sur un autre chantier, suivie de son départ à la retraite puis de son remplacement. Mais aussi, le sort fait aux contrats aidés. Ce n’est qu’en 2007 que les travaux allaient reprendre jusqu’à achèvement du programme de réhabilitation.
Le lavoir retrouvé.
En novembre 2007, le Comité Départemental du Tourisme redirigeait sur le site de la Fontaine du Conroy une équipe d’ouvriers encadrés par deux nouveaux tuteurs techniques, Alain Andres et Pascal Liabaud. En quelques mois, une quinzaine d’ouvriers issus de Thionville et de ses environs allait redonner au site toute son accessibilité et son cachet. Ils allaient reprendre, une fois de plus, le dessus sur la nature qui avait opéré une reconquête des lieux. Ils allaient effacer, une fois de plus, les traces de l’ignominie humaine qui ont pour nom dégradation et pollution.
Les abords du site étaient débroussaillés, le chemin réaménagé, la passerelle refaite, les escaliers bétonnés. Les actes de vandalisme étaient réparés. Des centaines de kilos de détritus apportés par les crues du Conroy ou abandonnés par les jouisseurs indélicats de ce site exceptionnel étaient récupérés et dirigés vers un centre de collecte des déchets. Ce n’est qu’après avoir fait place nette que la mise en place de la toiture pouvait être envisagée.
Courant janvier et février 2008, poutres, madriers, chevrons, plaques tuilées, visserie et autres accessoires étaient livrés aux ouvriers du CDT qui parachevaient un travail entamé près de dix années plus tôt si l’on tient compte de la phase administrative ayant préludé à l’entame du chantier proprement dit. Ils dotaient les murs d’une toiture susceptible de préserver l’édifice pendant de longues années.
Désormais, le promeneur pris sous un orage pourra s’abriter dans la fontaine du Conroy en regardant une eau abondante sourdre du flanc de la colline. Le 25 février 2008, à midi, le chantier de Lommerange s’achevait pour les ouvriers du CDT par un repas offert par la commune. L’objet de cette opération a été de relever, de manière durable, les vestiges d’un édifice disparu.
Ceci, afin de rappeler aux habitants du cru que cet endroit faisait partie intégrante, jusqu’au début du vingtième siècle, de la vie quotidienne de ceux qui les avaient précédés dans leur village de Lommerange. Un des effets de cette opération, qui ne manquera pas de lui donner toute sa noblesse et sa légitimité, est qu’elle aura permis à des personnes fragilisées par un parcours individuel chaotique ou par les aléas d’une vie qui ne les a pas épargnés, de faire un pas vers une réinsertion sociale et professionnelle.
Elle aura été un chantier de réentraînement au travail multipliant les facteur d’intégration professionnelle : acquisition de savoirs-faire multiples, respect des horaires, des consignes de travail et de sécurité, suivi professionnel individualisé accordé à chacun. Il faut espérer que cette opération menée sur la Fontaine du Conroy constituera pour chacun des ouvriers y ayant participé une expérience perçue comme positive et valorisante, susceptible de les aider à remettre le pied à l’étrier d’une vie responsable et autonome.
Quoique puisse être leur devenir, la commune de Lommerange se doit de les remercier chaleureusement pour le travail accompli à son bénéfice et au bénéfice de l’environnement. Surtout que le chantier mené au bénéfice de la commune de Lommerange sera le dernier mené au service d’une commune.
Désormais, le Département de la Moselle réservera ses équipes d’ouvriers au bénéfice d’opérations menées pour le seul Département.